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    Depuis une passerelle au-dessus de l’une des artères les plus fréquentées de Nairobi, Ann Masiga regarde le flot de minibus privés qui ramènent leurs passagers vers leur habitation en périphérie de la capitale. Même à quelques mètres au-dessus de la circulation, l’air est imprégné de vapeurs d’essence et de diesel. Avec l’État kényan, Ann Masiga déploie des efforts considérables pour organiser les services de transport en commun et améliorer la qualité de l’air.

    « L’amélioration des transports et de la distribution d’eau et d’énergie revêt une importance cruciale pour ce pays », déclare Ann Masiga, chargée de prêts pour la Banque européenne d’investissement à Nairobi. « L’insuffisance des infrastructures ou des réseaux de transport complique tous les aspects du quotidien : emmener ses enfants à l’école, trouver un emploi, se nourrir, se rendre à l’hôpital. Je ne me lasse pas de ces problématiques parce que mon travail a un impact positif sur nombre de citoyennes et citoyens kényans ordinaires. »

    L’un des plus grands projets d’Ann Masiga en 2023 visait à doter la capitale d’un réseau de transport rapide par autobus. Nairobi, actuellement dépourvue de réseau de transport officiel, disposera bientôt de terminaux d’autobus modernes, de quais pour faciliter la montée et la descente, d’arrêts bien éclairés, de chemins piétonniers et de pistes cyclables, ainsi que de voies réservées aux autobus sur les autoroutes encombrées. Ce projet comprend l’une des premières lignes de bus entièrement électriques en Afrique de l’Est. Ann Masiga a joué un rôle essentiel au sein de l’équipe de la Banque européenne d’investissement qui a mis sur pied une opération de prêt de 201 millions d’euros pour cette ligne électrique. L’accord comprend une subvention de l’Union européenne de 32 millions d’euros.

    « Nous allons vraiment changer la donne pour le réseau de service public de Nairobi », explique Ann Masiga, dont la carrière de fonctionnaire a été inspirée par sa mère, Elizabeth Semo Masiga, pionnière en matière d’éducation des femmes au Kenya et première femme secrétaire permanente au ministère de l’éducation. « Cela produira un effet d’entraînement qui pourrait modifier les réseaux de transport dans tout le pays. » 

    Faire le lien entre climat et innovation au Kenya

    La nouvelle ligne de bus électrique montre à quel point l’avenir du Kenya est lié à l’action climatique et aux technologies innovantes. Chef de file en matière d’énergies renouvelables, le pays augmente ses investissements dans les technologies vertes, tout en encourageant les entreprises à innover et à considérer davantage les perspectives et la croissance à l’échelle du continent. Le pays met en place des initiatives visant à stimuler l’approvisionnement alimentaire, à soutenir les petites exploitations agricoles, à améliorer les exportations et à favoriser l’inclusion des groupes défavorisés de la société. La ligne de bus électriques est une artère essentielle qui irrigue le Kenya, ce pays tourné vers l’avenir, où les producteurs de maïs cultivent leurs champs à l’aide d’applications mobiles pour améliorer les rendements, où les producteurs de mangues recourent à une technologie d’entreposage frigorifique de pointe pour préserver leurs récoltes, et où les centrales géothermiques avancées servent de modèle pour la mise en place de programmes dans les énergies renouvelables dans toute l’Afrique.

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    Ann Masiga attend avec impatience des améliorations notables dans le réseau de transport de la ville.

    C’est ce Kenya innovant qui a trouvé un partenaire en la Banque européenne d’investissement. Nairobi abrite le pôle régional de la Banque européenne d’investissement, où près de 30 membres du personnel travaillent pour BEI Monde, sa branche spécialisée dans le développement. Ce pôle régional pour l’Afrique de l’Est dessert le Kenya, l’Éthiopie, le Soudan, le Soudan du Sud, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, l’Érythrée, Djibouti et la Somalie. Depuis le milieu des années 1970, la Banque européenne d’investissement a investi au Kenya plus de 1,5 milliard d’euros à l’appui des énergies renouvelables, de l’accès à l’eau propre, de l’aménagement urbain, de l’inclusion financière et des petites entreprises. La création de ce pôle en 2021 et de BEI Monde en 2022 renforce encore la présence et l’impact de la Banque dans la région.

    Mon travail a un impact positif sur nombre de citoyennes et citoyens kényans ordinaires.
    Ann Masiga

    Chargée de prêts à la Banque européenne d’investissement

    « Nous pouvons faire beaucoup plus à l’avenir »

    Rien ne me porte à croire que l’avenir de ce pays n’est pas radieux.
    XN Iraki

    Professeur à l’université de Nairobi

    Aujourd’hui, le Kenya est un pays où cohabitent l’ancien et le futuriste, des petites exploitantes agricoles traditionnelles dépourvues de tracteurs ou machines et les technologies d’énergies vertes et les systèmes de paiement mobiles numériques les plus avancés, et où des femmes occupent à la fois au sein des familles des rôles respectés depuis la nuit des temps et des postes de premier plan dans la gestion et la création d’entreprises.

    « Les gens ici peuvent se montrer très pessimistes, mais si vous regardez le chemin parcouru dans ce pays, vous voyez alors que nous pouvons faire beaucoup plus à l’avenir », explique XN Iraki, professeur à la faculté des sciences économiques et managériales de l’université de Nairobi.

    Ce dernier a grandi à la campagne sans électricité, ni eau courante, ni réfrigérateur, ni cuisinière. Il a, par la suite, enseigné aux États-Unis, mais quand il est retourné dans son pays, il a constaté une volonté généralisée d’innover. « Rien ne me porte à croire que l’avenir de ce pays n’est pas radieux », affirme-t-il.

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    XN Iraki affirme qu’il existe au Kenya une volonté généralisée d’innover.

    Innover pour que le Kenya évite le stade de la pollution climatique

    Pour assurer un avenir radieux, tant l’action pour le climat que l’innovation revêtent une importance vitale, en Europe et dans le monde. Mais le réchauffement planétaire menace gravement l’Afrique. Le continent a besoin de milliers de milliards de dollars d’investissements verts et le Kenya entend être à l’avant-garde de la transition écologique. 

    Le pays est en bonne voie pour éviter le stade de la croissance industrielle très polluante et parvenir à une société plus durable. En 2008, le Kenya a créé le programme Vision 2030 pour le développement, avec pour objectif d’utiliser 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Les sources d’énergie renouvelables fournissent déjà plus de 90 % de l’électricité du Kenya. Le pays a investi massivement dans l’énergie hydraulique et les parcs solaires, mais surtout dans l’énergie géothermique. Les installations géothermiques produisent plus de 40 % de l’électricité du Kenya.

    Depuis les années 1950, « le Kenya est le pionnier des avancées géothermiques en Afrique », explique Peketsa Mangi, au milieu d’un champ luxuriant dans la vallée du Grand Rift, au Kenya, avec en arrière-plan le jaillissement des panaches de vapeur épaisse et blanche.

    S’il a grandi en milieu rural dans une maison sans électricité éclairée par des lanternes enfumées, il est aujourd’hui directeur exécutif du développement géothermique sur le site d’Olkarial’un des plus grands champs de production géothermique au monde. À environ 120 kilomètres au nord de Nairobi, le complexe est situé en grande partie dans le parc national de Hell’s Gate

    Ce parc est connu pour ses falaises imposantes, ses gorges, ses pics rocheux, ses spas naturels et les panaches de vapeur qui sortent des profondeurs de la terre. L’activité géothermique se manifeste à travers les longues failles dans la croûte terrestre qui parcourent l’Afrique de l’Est et font remonter la chaleur du magma vers la surface.

    Entourées de fermes horticoles et d’élevage, les centrales géothermiques d’Olkaria exploitent l’énergie de la terre en forant à plusieurs milliers de mètres dans le sol. La vapeur est captée et acheminée par des canalisations pour actionner des turbines qui produisent de l’électricité. De grandes conduites blanches transportent l’eau ou la vapeur dans tout le complexe d’Olkaria, qui couvre une superficie d’environ 70 kilomètres carrés. Ces canalisations sont montées sur pilotis afin que les animaux puissent passer dessous et forment même des boucles pour permettre aux girafes de circuler librement. Le matin, les girafes prennent leur petit déjeuner au milieu des arbres à proximité des centrales géothermiques.

    « Sans l’énergie géothermique, il serait très difficile pour ce pays de répondre à la demande en énergie », affirme Peketsa Mangi.

    Le Kenya est le pionnier des avancées géothermiques en Afrique.
    Peketsa Mangi

    Directeur de la géothermie à Olkaria

    « Sans l’énergie géothermique, il serait très difficile pour ce pays de répondre à la demande en énergie. »

    Peketsa Mangi

    Le financement des énergies renouvelables stimule la technologie verte du Kenya

    Le Kenya continuera à développer l’énergie géothermique, mais il exporte également des connaissances techniques sur l’électricité et l’énergie verte dans l’ensemble de l’Afrique. La Banque européenne d’investissement, qui compte parmi les plus grands bailleurs de fonds des activités géothermiques du Kenya, a effectué plusieurs investissements importants depuis les années 1980. Plus récemment, elle a financé en 2017 de nouveaux puits et réseaux de collecte de vapeur à Olkaria.

    La Banque a également soutenu le plus grand parc éolien d’Afrique, dans une région chaude et sèche du nord du Kenya, à proximité du lac Turkana. En 2014, elle a signé un prêt de 225 millions d’euros, donnant ainsi une forte impulsion au financement de ce projet décennal de parc éolien et renforçant la confiance qu’il inspire. L’Union européenne a contribué à ce projet à hauteur de 25 millions d’euros au titre du Fonds fiduciaire UE-Afrique pour les infrastructures. La région compte aujourd’hui plus de 300 éoliennes et produit assez d’électricité pour alimenter plus d’un million de foyers.

    Anna Mwangi, géophysicienne sur le site d’Olkaria, joue un rôle actif de mentor pour de jeunes femmes dans le secteur de l’énergie et considère que cette industrie offre des perspectives intéressantes pour les femmes. Selon elle, l’inclusion est un sujet qui tient une place importante dans la société et l’industrie au Kenya, car de plus en plus de femmes prônent désormais l’égalité en matière de traitement et d’emploi. Anna Mwangi a travaillé pendant près de 15 ans pour Kenya Electricity Generating Co., la compagnie publique d’électricité. Les attitudes en matière d’égalité entre les sexes n’ont cessé d’évoluer au cours de cette période et cela continue. « Le Kenya a pris de l’avance non seulement dans le secteur de l’énergie », précise-t-elle, « mais aussi dans les moyens d’action qu’il donne aux femmes dans ce domaine et dans la reconnaissance de leurs ressources. »

    Mais il reste beaucoup à faire. « Dans mon domaine d’expertise, les femmes doivent toujours travailler 10 fois plus dur pour se faire remarquer », explique Anna Mwangi. « Aujourd’hui, j’ai les moyens d’agir, mais je dois aussi aider les personnes qui me suivent à faire entendre leur voix, afin que nous nous soutenions les unes les autres. Ces personnes ne doivent pas nécessairement emprunter le même chemin que moi, mais nous sommes ici pour ouvrir la voie. »

    Anna Mwangi estime que le secteur des énergies renouvelables, en pleine croissance au Kenya, présente des perspectives professionnelles intéressantes pour les femmes.

    Innover pour donner accès à l’alimentation

    Je suis très fier de contribuer à cet impact.
    Geoffrey Emungat

    Responsable de l’entreposage frigorifique sur le site de Tatu City

    De nombreuses entreprises nouvelles au Kenya adoptent des politiques en matière d’égalité entre les sexes et reconnaissent la nécessité de mettre en place d’autres mesures sociales et environnementales. Cold Chain, un entrepôt frigorifique ultramoderne, a ouvert ses portes en août 2023 à Tatu City, à environ 40 kilomètres de Nairobi, et s’est doté d’une politique moderne en matière d’énergie verte et d’un plan social pour renforcer l’autonomie des femmes. Les femmes sont encouragées à faire carrière dans tous les domaines au sein de l’entreprise, qui promeut également l’emploi de groupes défavorisés de la société. Le site d’une propreté éclatante a été construit avec des matériaux économes en énergie. Il s’agit du plus grand entrepôt frigorifique de ce type sur le continent, hors Afrique du Sud. L’usine a été construite pour répondre aux normes LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), un programme de certification écologique utilisé dans le monde entier.

    La Banque européenne d’investissement a signé en 2021 un investissement en fonds propres de 15 millions d’euros avec le fonds qui a construit l’usine de Tatu City. Ce fonds, appelé ARCH Cold Chain Solutions East Africa, fait sortir de terre des entrepôts frigorifiques en Afrique de l’Est. Il a bénéficié du soutien d’une facilité d’investissement financée par les États membres de l’Union européenne.  Le site de Tatu City est le fleuron du fonds et un projet phare du programme Vision 2030 du Kenya. Cette opération constitue également un élément important du soutien apporté par le Kenya à l’un des principaux objectifs de développement durable des Nations unies : éliminer la faim.

    La constitution du Kenya stipule que quiconque a le droit de ne pas souffrir de la faim et d’avoir accès à de la nourriture de qualité. Dans certaines régions d’Afrique, en raison de l’absence de réfrigération, plus de 50 % des aliments se gâtent avant de pouvoir être consommés. À plein régime, l’entrepôt frigorifique permettra de stocker des bananes, des pommes, des avocats, de la volaille et d’autres biens périssables. Il préservera les produits destinés aux restaurants et servira les entreprises pharmaceutiques, en particulier celles qui stockent des vaccins contre le COVID-19.

    Geoffrey Emungat estime que les pouvoirs publics et le secteur privé ne ménagent pas leurs efforts pour éliminer les risques liés au stockage et au transport des aliments au Kenya.
    Il est parfois difficile d’obtenir certains types d’emplois dans les entreprises, parce que la concurrence est trop rude pour que les femmes aient une chance.
    Rusbellah Abunya

    Cariste sur le site de Tatu City

    « L’insécurité alimentaire entraîne un grand nombre de problèmes sociaux, et l’entreposage frigorifique fait l’objet d’une grande lacune », explique Geoffrey Emungat, responsable des installations sur le site de Tatu City, en déambulant dans l’entrepôt tentaculaire. « L’État et le secteur privé mettent tout en œuvre pour éliminer les risques liés au stockage et au transport des aliments, mais cette installation veut aussi exercer une influence positive sur la société et le climat. Je suis très fier de contribuer à cet impact. »

    Les grands systèmes de réfrigération ne bénéficient généralement pas de la meilleure réputation sur le plan environnemental, en partie parce qu’ils utilisent beaucoup d’énergie. Cold Chain installe des panneaux solaires pour fournir 20 % de l’électricité du site. La majeure partie de son électricité provient de centrales géothermiques et hydroélectriques. Et sa réfrigération est alimentée par de l’ammoniac, qui ne contribue pas directement au réchauffement planétaire.

    « Je ne le prendrais pas à la légère si quelqu’un me disait que je ne peux pas faire un travail comme celui-ci », explique Rusbellah Abunya, une conductrice de chariot élévateur.

    Dans l’immense entrepôt frigorifique de Tatu City, à l’aide de son chariot élévateur, Rusbellah Abunya déplace les produits dans des étagères hautes de plus de cinq mètres. « Il est parfois difficile d’obtenir certains types d’emplois dans les entreprises, parce que la concurrence est trop rude pour que les femmes aient une chance », explique-t-elle au volant de son engin. « Les Kényanes sont fortes et indépendantes. Je ne le prendrais pas à la légère si quelqu’un me disait que je ne peux pas faire un travail comme celui-ci. »

    Le Kenya en profondeur

    • L’agriculture est le principal moteur de l’économie
    • Les principaux secteurs que le pays souhaite améliorer sont l’approvisionnement alimentaire, la production manufacturière, le logement abordable et la santé
    • Le pays vise 100 % d’énergies renouvelables d’ici la fin de la décennie
    • C’est un chef de file de l’énergie géothermique et des services de paiement mobile
    Le quartier de Westlands à Nairobi.

    Des innovations qui promeuvent des sociétés inclusives

     

    Vert est une entreprise de transformation de mangues située à Machakos, à environ une heure de route de Nairobi. Elle aussi entend développer son activité tout en ayant un impact positif sur la société. Vert a reçu un prêt d’Equity Bank, l’un des principaux bailleurs de fonds kényans des petites exploitations agricoles. Equity Bank a signé avec la Banque européenne d’investissement deux accords de 25 millions d’euros chacun en 2019 et 2020. Ces accords comprenaient des subventions de l’Union européenne et s’inscrivaient dans le cadre du mécanisme en faveur des chaînes de valeur dans le secteur agricole kényan. Ce programme appuyé par l’Union européenne aide les entreprises agricoles à se moderniser, ce qui améliore l’activité des petits exploitants agricoles, favorise des sociétés inclusives et donne un coup de pouce aux jeunes. 

    Vert approvisionne de grands producteurs de jus de fruits, comme Coca-Cola, et commercialise une gamme de fruits secs. Elle travaille avec plus de 5 000 petites exploitations agricoles, en particulier celles qui font moins d’un hectare. Ce qui la rend verte, c’est qu’elle utilise le noyau et la peau des mangues pour alimenter les chaudières de l’usine, ainsi que des panneaux solaires pour réduire sa dépendance au réseau électrique national. L’entreprise privilégie l’emploi des femmes et la collaboration avec des exploitations dirigées par des femmes, car l’un des objectifs des propriétaires est d’accroître l’entrepreneuriat féminin.

    « Le Kenya crée un environnement qui permet aux femmes de participer davantage à l’économie et de montrer ce qu’elles savent faire », explique Jane Maina, directrice exécutive de Vert.

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    « Le Kenya crée un environnement propice aux femmes », explique Jane Maina, dont l’entreprise de mangues emploie en priorité des femmes.

    « Le problème actuel, c’est l’économie »

    Jackline Musyoka, diplômée en microbiologie et biotechnologie, travaille comme analyste de laboratoire chez Vert. Dans son cercle d’amis, beaucoup peinent à trouver un emploi, non pas forcément en raison des inégalités, mais du caractère imprévisible de l’économie.

    « Je suis optimiste quant au fait que les choses vont finir par s’améliorer, mais pour beaucoup d’entre nous, c’est compliqué », dit Jackline Musyoka, tout en faisant une pause dans l’inspection des gros barils de pulpe de mangue qui seront bientôt expédiés vers une usine de Coca-Cola. « Le problème actuel, c’est l’économie. Elle pèse vraiment sur la population. La situation est difficile. C’est compliqué pour tout le monde. »

    « Je suis optimiste quant au fait que les choses vont finir par s’améliorer. »

    Jackline Musyoka
    Analyste de laboratoire chez Vert

    Une assurance innovante pour les petits exploitants agricoles

    XN Iraki, professeur à l’université de Nairobi, affirme que l’avenir économique du Kenya s’améliorera si la population kényane s’attache plutôt à résoudre les problèmes en ayant à l’esprit le continent ou la planète.

    « Quand vous visitez d’autres pays d’Afrique, comme le Rwanda ou l’Ouganda », dit-il, « vous vous rendez compte que le Kenya devance largement les autres. »

    L’entreprise Pula cherche à se développer en étant plus innovante tout en résolvant certains des problèmes les plus importants de la société. Elle propose des produits d’assurance pour les exploitations agricoles de très petite taille. Les propriétaires de petites exploitations agricoles ne bénéficient souvent d’aucun système de soutien et sont aux prises avec des précipitations imprévisibles, la chaleur et des sécheresses causées par les changements climatiques.

    « Par petits exploitants agricoles, nous entendons les personnes qui pratiquent une agriculture de subsistance, pour leur consommation quotidienne, et qui, peut-être, vendent une partie de leur récolte pour pouvoir générer un revenu qui leur permettra de payer des frais de scolarité ou des dépenses de la vie courante », explique Faith Kinuthia, directrice des opérations locales chez Pula.

    À l’occasion d’une visite dans de petites fermes du comté de Nakuru, à environ quatre heures de route au nord de Nairobi, Faith Kinuthia note que « l’assurance aide à protéger ces agriculteurs contre de nombreux risques, comme le manque de pluie ou les parasites et les maladies. Si des nuisibles apparaissent dans une ferme et détruisent les récoltes, l’exploitant n’a plus rien. Si vous parlez à ces agriculteurs, ils vous diront bien évidemment que les changements climatiques engendrent une multitude de bouleversements. »

    « Si vous parlez à ces agriculteurs, ils vous diront que les changements climatiques engendrent une multitude de bouleversements. »

    Faith Kinuthia
    Directrice des opérations locales chez Pula

    La haute technologie pour répondre aux changements climatiques

    Au Kenya, les petits exploitants agricoles représentent une grande partie de la population active. Et l’agriculture est le principal vecteur de l’activité économique, de la création d’emplois et des exportations. Ce secteur emploie plus de 40 % de la population, et jusqu’à 70 % en milieu rural, et il représente plus de 30 % du produit intérieur brut du Kenya. 

    Pula aide la partie de cette population qui en a le plus besoin en :

    • ayant recours à la technologie pour évaluer rapidement les dommages infligés aux cultures ;
    • mettant à disposition des outils numériques et des services de conseil en agronomie pour améliorer les pratiques agricoles ;
    • utilisant des applications mobiles qui permettent aux agents locaux de travailler plus facilement avec les exploitants agricoles. 

    Ces services sont importants, car les changements climatiques fragilisent les moyens de subsistance des exploitants. 

    Teresiah Wambui, à gauche, et Lucy, sa mère, attendent pendant que les agents de Pula mesurent la production de maïs de leur ferme pour voir si elles peuvent bénéficier d’une indemnité d’assurance.

    Assurance contre les aléas climatiques

    Dominick Wanyoike gère une petite exploitation de maïs dans le comté de Nakuru, une région qui abrite principalement de petits exploitants agricoles vivant sur moins de cinq hectares chacun. Les conditions météorologiques évoluent au Kenya et cela nuit particulièrement aux petites exploitations agricoles, affirme Dominick Wanyoike alors qu’il retire à la main les grains d’un petit tas d’épis de maïs dans le jardin devant sa maison. 

    « Nous avons décidé de souscrire une assurance après qu’une année, alors que nous attendions la pluie comme d’habitude, elle n’est pas venue », explique-t-il. « La récolte effective a été très faible, notre vie devenait plus difficile et la fréquence accrue des sécheresses la rendait encore plus compliquée. »

    « La fréquence accrue des sécheresses rendait la vie encore plus compliquée. »

    Dominick Wanyoike
    Exploitant agricole dans le comté de Nakuru

    Pula a lancé ses produits d’assurance pour les petites exploitations agricoles au Kenya en 2015 et étend son activité à d’autres pays de la région. L’entreprise intègre l’assurance dans le prix des semences et des engrais ou propose l’assurance par l’intermédiaire de subventions publiques. De cette manière, le coût de l’assurance reste faible pour les agriculteurs. Ces derniers sont indemnisés si leurs rendements sont inférieurs à un certain niveau.

    Pula a reçu le soutien de l’Africa Fund de TLcom, une société de capital-risque qui cible les entreprises technologiques en phase d’expansion. La Banque européenne d’investissement est un investisseur clé pour TLcom. Elle a signé un investissement de 10 millions d’euros en 2016 et en envisage un autre pour aider d’autres nouvelles entreprises africaines. Cet investissement s’inscrit dans le cadre du mécanisme Boost Africa, financé par la Commission européenne.

    « Il est important que nous maintenions des relations symbiotiques avec les petits exploitants agricoles et que nous nous occupions d’eux, que nous nous assurions qu’ils sont en activité », explique Faith Kinuthia, la directrice de Pula. « Cela permettra à tout le monde de rester en activité. Après tout, l’agriculture est l’épine dorsale du Kenya. »

    Un ouvrier agricole dans le comté de Nakuru, à environ quatre heures de route au nord de Nairobi.

    Inspirer le changement en matière de transports dans tout le Kenya

    Les changements climatiques, qui ont une telle incidence négative sur les petits exploitants agricoles, sont également un facteur important à prendre en compte dans la réflexion sur le projet urbain phare du pays : le nouveau réseau de bus et sa ligne entièrement électrique. 

    Les axes routiers de Nairobi sont souvent saturés et la circulation est ralentie aux heures de pointe. Les autobus urbains sont peu nombreux, il n’y a aucun tramway ou métro et le service ferroviaire est sommaire, de sorte que la plupart des gens empruntent des minibus ou des bus privés appelés matatus, ou utilisent leur véhicule personnel pour se déplacer. La croissance démographique de la ville va de pair avec l’augmentation des embouteillages, des temps de trajet et de la pollution sonore et atmosphérique.

    « Le gouvernement s’efforce vraiment d’améliorer la situation au niveau des bus », explique Joseph Kochalle, ingénieur routier au sein de l’Autorité des transports de la région métropolitaine de Nairobi. « Il est vraiment très compliqué de rentrer chez soi depuis Nairobi ou de planifier son trajet. »

    « Le nouveau réseau de transport par autobus à Nairobi va grandement aider la population de la zone métropolitaine et l’économie, et réduire la pollution et l’encombrement de la circulation, les transports étant chaotiques à l’heure actuelle », dit-il, assis dans un restaurant dans le quartier de Westlands dans le centre de Nairobi, à seulement quelques mètres de l’un des dépôts informels de bus les plus animés de la ville. « Ce nouveau système inspirera également d’autres agglomérations qui lui emboîtent le pas, comme Mombasa et Kisumu. » 

    Les cinq nouvelles lignes de bus à Nairobi seront achevées d’ici la fin de cette décennie. Leur planification a débuté vers 2014, si bien que les habitants et les responsables des transports ont hâte que leur construction s’accélère. Le Kenya espère que le nouveau réseau moderne et la ligne de bus électriques serviront d’exemple africain pour un transport écologique efficace.

    « Une étape importante pour améliorer ma vie »

    Un soir, dans le centre de Nairobi, Carolyne Omondi se tient prudemment au bord d’une autoroute animée, attendant d’entamer son long trajet de retour vers le quartier informel de Kibera, au terme d’une journée de travail bien remplie. Des voitures, des camionnettes et des poids lourds la frôlent alors qu’elle cherche un bus. Comme la plupart des navetteurs, elle attend son tour dans une longue file, dans des conditions dangereuses, pour prendre place dans un matatu, souvent vieux, brinquebalant et inconfortable.

    Carolyne Omondi, qui attend de prendre un bus vers le quartier informel de Kibera, à Nairobi, explique qu’il n’est pas aisé de rentrer à la maison après le travail.

    « Ce n’est pas une expérience agréable, surtout quand je rentre du travail », précise-t-elle. Assistante dentaire dans le centre de Nairobi, elle vit à seulement neuf kilomètres de là, à Olympic Estate, dans le quartier de Kibera, mais il lui faut passer au moins une heure dans la circulation et les longues files de bus. « La fatigue est là et vous peinez à trouver un bus », dit-elle. « Les gens sont très agressifs, la sécurité n’est pas optimale et il y a des pickpockets. »

    Carolyne Omondi aimerait pouvoir passer moins de temps dans les transports. Elle aurait ainsi plus de temps libre pour poursuivre son objectif de retourner à l’école afin de devenir dentiste.

    « De meilleurs bus et transports faciliteraient beaucoup mon quotidien », confie-t-elle.