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  • Les perturbations touchant les échanges commerciaux et l’inflation pèsent sur les entreprises et les ménages, menaçant de faire dérailler la reprise en Europe et de plonger de nombreux citoyens dans la pauvreté.
  • Le ralentissement de la croissance est particulièrement prononcé dans les pays proches de l’Ukraine, mais d’autres pays de l’UE se sentent également sous pression.
  • Les politiques publiques peuvent contribuer à réduire les risques pour les ménages et les entreprises vulnérables afin de tenir en échec la pauvreté et les faillites.

La guerre en Ukraine risque de compromettre la relance économique de l’Europe. La hausse des prix de l’énergie et les perturbations des échanges commerciaux pourraient déstabiliser les entreprises de l’UE déjà fragilisées par la pandémie. Dans le même temps, les modèles économiques de la Banque européenne d’investissement (BEI) montrent que la hausse de l’inflation pourrait faire passer un plus grand nombre d’Européens sous le seuil de pauvreté. La croissance économique réelle dans l’Union européenne devrait désormais tomber en dessous de 3 % en 2022, en baisse par rapport aux 4 % prévus par la Commission européenne avant la guerre. Une récession pourrait se produire, et de nouvelles perturbations commerciales ou un renforcement des sanctions économiques sont susceptibles d’accroître les risques qui pèsent sur l’économie européenne.

Ce sont là quelques-unes des principales conclusions d’un nouveau rapport intitulé How bad is the Ukraine war for the European recovery? [À quel point la guerre en Ukraine nuit-elle à la reprise européenne ?] et publié ce jour par la BEI. Il présente l’analyse du choc économique dû à la guerre et de ses retombées pour les ménages, les entreprises, les banques et les pouvoirs publics.

La reprise de l’économie de l’UE après la crise pandémique était encore en consolidation lorsque la guerre a éclaté. « L’incertitude accrue et la hausse des prix des denrées alimentaires, des matières premières et de l’énergie ont des conséquences sur l’investissement et le développement économique durable et inclusif », a déclaré Ricardo Mourinho Félix, vice-président de la BEI. « Maintenir une bonne coordination des politiques publiques sera crucial pour gérer le contrecoup de la guerre et envoyer un signal clair aux marchés, en réduisant l’incertitude et en tempérant les risques d’une nouvelle récession. Le Groupe BEI est prêt à offrir des financements à long terme à des taux favorables afin de défendre une reprise verte et durable et d’appuyer une croissance inclusive ».

« L’inflation et la hausse des prix de l’énergie posent un risque supplémentaire aux entreprises de l’UE déjà affaiblies par la pandémie. Nos modèles montrent qu’en un an, la proportion d’entreprises exposées au risque de défaut est passée de 10 % à 17 %. Nous devons répondre à cela en mettant en œuvre des politiques claires de protection des entreprises et en veillant à ce que l’investissement public soit pleinement utilisé pour mobiliser l’investissement privé », a déclaré Debora Revoltella, économiste en chef de la BEI, dont l’équipe a rédigé le rapport.

Risque accru de pauvreté : les ménages seront touchés différemment selon le pays et au sein d’un même pays

L’inflation déclenchée par la guerre risque de réduire de 1,1 % la consommation privée réelle dans l’Union européenne, mais cette incidence varie d’un pays à l’autre. Elle sera davantage perceptible dans les pays où la consommation est plus sensible aux prix de l’énergie et des denrées alimentaires et où une proportion relativement importante de la population est exposée au risque de pauvreté. Les pays d’Europe centrale et du Sud-Est ont tendance à être davantage touchés.

L’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie touchera de manière disproportionnée les ménages à faible revenu, mais à des degrés divers selon l’État membre de l’UE. Les ménages à faible revenu des pays plus riches d’Europe du Nord et de l’Ouest sont mieux à même d’absorber la hausse des prix que les ménages d’Europe centrale et du Sud-Est, en grande partie parce que les taux d’épargne et les revenus ont tendance à y être plus élevés.

Les hausses de prix augmentent la part des personnes menacées de pauvreté (% des personnes exposées au risque de pauvreté pour 2020 et augmentation en points de pourcentage)

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Source : estimations de la BEI. Remarque : la part de population exposée au risque de pauvreté se réfère à 2020 et est exprimée en pourcentage. L’augmentation due à la guerre est exprimée en points de pourcentage.

Pendant la crise due à la pandémie de COVID-19, les mesures politiques ont joué un rôle essentiel pour tenir la pauvreté en échec. Face à la crise actuelle, il convient de mettre en œuvre des politiques visant à réduire les risques pour les ménages vulnérables et à préserver l’intégration sociale.

Le climat induit par la guerre signifie de nouveaux risques pour les entreprises de l’UE

Les entreprises de l’UE, en particulier les plus petites, ont été fragilisées pendant la crise du coronavirus. Leur capacité à résister à la levée des mesures politiques était déjà incertaine. La guerre ne fera qu’exacerber leur vulnérabilité, à travers les trois phénomènes suivants :

(1)  une réduction des exportations ;

(2)  une baisse des bénéfices en raison de la hausse des prix de l’énergie ;

(3)  la difficulté à trouver des financements auprès de banques qui évitent de prendre des risques.

Les simulations réalisées par la BEI à l’échelle des entreprises suggèrent que la proportion d’entreprises perdant de l’argent passera de 8 % à 15 % en un an, et que la part de celles exposées au risque de défaut passera de 10 % à 17 % au cours de la même période. Les secteurs de la chimie et des produits pharmaceutiques, des transports, de l’alimentation et de l’agriculture seront les plus durement frappés. Les entreprises des pays plus proches de l’Ukraine et de la Russie, comme la Hongrie, la Pologne, la Lettonie et la Lituanie, se sentiront sous pression. Les entreprises en Grèce, en Croatie et en Espagne souffriront également plus que la moyenne de l’UE.

Augmentation de la part des entreprises déclarant des pertes (en points de pourcentage)

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Source : estimations de la BEI.

Les banques sous pression

L’incidence sur les banques devrait rester maîtrisée, mais l’accès des entreprises à des sources de financement externes pourrait se dégrader. Le système bancaire européen dans son ensemble est peu exposé de manière directe à l’Ukraine, à la Russie ou au Bélarus, à l’exception d’une poignée de banques. Celles-ci ont toutefois étayé leurs coussins de fonds propres de manière à pouvoir résister à la dépréciation de certains de leurs actifs en Ukraine et en Russie. Malgré cela, un début de resserrement du crédit est perceptible, notamment en Europe centrale, orientale et du Sud-Est.

Détérioration probable des finances des États membres de l’UE

Les dépenses pourraient augmenter à mesure que les pays accueillent des réfugiés, prennent des mesures redistributives pour aider les ménages à faire face à la hausse des prix de l’énergie et augmentent les dépenses militaires. Compte tenu du ralentissement de l’activité économique, les recettes devraient également être inférieures aux prévisions, contrairement aux dépenses militaires qui devraient augmenter. Globalement, les budgets les plus touchés devraient être ceux des États membres de l’UE voisins de l’Ukraine ainsi que ceux des pays baltes. Les fonds disponibles au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience peuvent donner aux États membres une marge de manœuvre budgétaire.

Informations générales

À propos de la Banque européenne d’investissement

La Banque européenne d’investissement (BEI), dont les actionnaires sont les États membres de l’Union européenne (UE), est l’institution de financement à long terme de l’UE. Elle met à disposition des financements à long terme en faveur d’investissements de qualité qui contribuent à la réalisation des grands objectifs de l’UE en Europe et dans le reste du monde. Elle intervient dans environ 160 pays. Un des principaux bailleurs de fonds multilatéraux au monde pour les financements climatiques, la BEI a récemment annoncé qu’elle allait soutenir la mobilisation de 1 000 milliards d’EUR d’investissements pour l’action en faveur du climat et la durabilité environnementale d’ici à 2030. Au moins 50 % des financements de la BEI seront consacrés à ces domaines d’ici à 2025. L’alignement de l’ensemble des activités de financement du Groupe BEI sur les objectifs de l’accord de Paris s’est concrétisé fin 2020.

Pour en savoir plus sur les travaux de recherche de la BEI : Nos travaux de recherche (eib.org)